Fordongianus

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Thermes romains de Forum Traiani

Le centre de Forum Traiani (fig. 1-2) est situé dans une position géographique idéale, sur une voie de pénétration intérieure représentée par la vallée du Tirso. Il constitue donc un avant-poste de la période romaine sur l'île, en direction du centre, plus sauvage et montagneux.

Fig. 1 - Localisation de Fordongianus dans la vallée du Tirso (élaboration de C. Tronchetti à partir de Google Earth).

La présence de la source d'eau thermale naturellement chaude fut sans doute une des causes concomitantes qui menèrent à la fondation du premier village, que l'empereur Trajan éleva au titre de forum,  comme l'indique clairement son nom..

Fig. 2 - Principales zones archéologiques (élaboration de C. Tronchetti  partir de Google Earth).

Mais le petit village avait depuis longtemps une importance considérable : ce n'est pas par hasard que l'on y retrouva une inscription par laquelle les civitates Barbariae (fig. 3), c'est-à-dire les tribus qui vivaient à l'intérieur de l'île et non soumises à la domination romaine, faisaient acte de soumission à l'empereur Tibère, immédiatement après l'an 19 ap. J.-C. Ce témoignage est fondamental pour reconstruire le cadre d'une Sardaigne désormais pacifiée, où des communautés de l'intérieur, qui conservaient leur organisation politique et sociale, cohabitaient avec des régions plus vastes directement gouvernées par Rome. 

Fig. 3 - Inscription avec l'hommage et des civitates barbariae à l'empereur Tibère (Zucca 1986)

L'importance du site est confirmée par une série d'inscriptions avec dédicace qui documentent la présence, occasionnelle, soit, du gouverneur de l'île et d'autres magistrats

Des fouilles récentes ont mis au jour un amphithéâtre (fig. 4), une structure habituellement liée aux principaux centres. En Sardaigne, on ne connaît jusqu'à présent que les amphithéâtres de Cagliari, Nora, Sant’Antioco et Tharros..

Fig. 4 –La zone de l'amphithéâtre, concernée par des fouilles récentes (photo Unicity S.p.A.).

On a découvert dans la zone thermale de nombreuses inscriptions strictement liées à l'eau et dédiées aux Nymphes ; d'autres inscriptions, moins nombreuses, sont dédicacées à la divinité salutaire Esculape. L'importance de la santé dans le culte des eaux est confirmée par l'intégration d'une divinité spécifique, comme Esculape, attestée par deux petites statues provenant de la zone thermale et représentant le dieu Bes/Esculape (fig. 5).

Fig. 5 - Statue de Bes/Esculape provenant de la zone thermale (photo Unicity S.p.A.)

Fordongianus est également connue comme les lieux du martyre de San Lussorio ; les moines Victoriens de Marseille y construisirent une chapelle au début du XIIe siècle, vraisemblablement sur les vestiges d'un édifice de culte paléochrétien, dont il reste les fondations. La crypte, située sous la structure sacrée, conserve des sépultures et des fragments de mosaïque (fig. 6) qui permettent de la dater autour du IVe siècle de notre ère, c'est-à-dire à une époque compatible avec celle du martyre du Saint sous le règne de Dioclétien.

Fig. 6 - Mosaïque provenant de l'église San Lussorio (Zucca 1986).

Le bâtiment thermal se dresse à proximité de la rivière Tirso. En réalité, il s'agit de deux édifices : Les Thermes I et les Thermes II, qui se sont succédé dans le temps, tout en se complétant. De nombreuses phases de construction et d'utilisation ont été identifiées, malgré la persistance de nombreux doutes, car les fouilles réalisées au début du siècle dernier n'ont pas été documentées.

Thermes I (fig. 7). 

Fig. 7 –Les Thermes I (Bacco-Serra 1998).

En se basant sur des confrontations relatives à la technique de construction utilisée et au type de locaux, on peut dater la première phase du bâtiment thermal de l'époque de Trajan, au début du IIe siècle de notre ère, mais nous ne disposons pas aujourd'hui de données stratigraphiques fiables. Les Thermes exploitaient une eau naturellement chaude qui jaillissait à une température de 54°. Ils se situaient dans la partie septentrionale de la zone thermale. Le noyau central est représenté par la grande natatio A (fig. 8) (12,20x6,10 m, et une profondeur de 1,60 m), une piscine entourée par quatre marches dans laquelle jaillissait l'eau chaude thermale mélangée à de l'eau froide. Le bassin est réalisé avec des blocs de trachyte locale gris-cendré suivant la technique de l’opus quadratum de tête et de chant, qui caractérise une grande partie des Thermes I.

Fig. 8 - La natatio (photo Unicity S.p.A.).

La piscine présentait deux côtés longs, au nord et au sud, deux séries d'arcades, avec cinq ouvertures en direction du bassin soulignées par des piliers carrés, surmontés d'une voûte en opus caementicium avec des côtes en opus quadratum. L'éclairage était assuré par des lucarnes réalisées dans les voûtes, dont il reste trois exemplaires. Seule la série d'arcades située au sud, d'une longueur de 16,60 m, d'une largeur de 1,80 m et d'une hauteur de 3,90 m, est intacte, mais la présence de la deuxième série est une certitude. En effet, on remarque la présence des bases des piliers du côté nord de la piscine ; en outre, son existence est une condition statique pour la réalisation de la couverture de la grande natatio, sans doute avec des voûtes d'arête.

Du côté ouest de la piscine se trouve la salle B, rectangulaire, qui s'étend vers le sud à peine au-delà du puissant mur qui délimite la série d'arcades. Il communiquait avec la piscine par une porte, dont on conserve les montants et le seuil ; on aperçoit encore les canalisations qui acheminaient l'eau chaude dans la piscine à travers un protomé (fig. 9) qui date probablement d'une époque bien tardive de la structure thermale, après avoir été opportunément refroidie dans un réservoir approprié. À l'extrémité nord de la salle B, on découvre un petit bassin en demi-cercle qu'on utilisait très probablement pour les ablutions d'eau chaude.

Fig. 9 - Ancienne image du jaillissement de l'eau dans la natatio  à travers un protomé (Taramelli 1903).

Immédiatement à l'ouest de la salle B se trouvent deux bassins/réservoirs de service : C et D. Le premier collectait les eaux thermales chaudes et les envoyait dans le réservoir D, où elles étaient mélangées à de l'eau froide puis acheminées vers la piscine. Ces deux bassins ont subi de nombreuses interventions et restructurations au cours de la période d'activité des thermes..

Du côté court opposé de la piscine, à l'est, se trouve une autre salle rectangulaire, dénommée B1. Celle-ci est particulièrement importante car les fouilles ont permis de l'identifier comme un nymphée (fig. 10). Les murs sont articulés en niches ; c'est dans l'une d'elles que l'on découvrit in situ une inscription justement dédicacée aux Nymphes par un haut fonctionnaire romain. Les autres niches ont été découvertes vides, mais on peut supposer qu'elles contenaient d'autres dédicaces ou des statues ornementales.

Fig. 10 –Le Nymphée à côté de la natatio (photo Unicity S.p.A.).

On savait déjà que le culte des nymphes était pratiqué à Fordongianus comme l'atteste une série d'inscriptions dédicacées ; mais aujourd'hui la découverte du nymphée nous confirme également l'endroit où se situait le cœur du culte. Fordongianus offre également de nombreux témoignages du culte d'Esculape, une divinité salutaire, bien entendu liée aux effets bénéfiques des eaux thermales. On dispose non seulement d'inscriptions dédicacées mais aussi de deux petites statues qui reproduisent le Dieu Bes, une figure bénéfique et salutaire souvent assimilée à Esculape, qui a fait l'objet d'un culte traditionnel en Sardaigne dès la période punique.

Dans un second temps, probablement vers le IIIe siècle de notre ère vu la technique de construction utilisée, le bâtiment thermal a été largement agrandi au sud par de nouveaux bâtiments. Cette phase est appelée Thermes II.

 

Thermes II (fig. 11)

La nouvelle construction suit l'évolution planimétrique et altimétrique du terrain naturel, qui remonte depuis la berge de la rivière Tirso, se plaçant ainsi à un niveau supérieur par rapport aux Thermes I ; elle est étroitement liée à une phase de construction très importante qui vit naître le noyau public central de Forum Traiani.

Fig. 11 –Le nouveau complexe des Thermes II est indiqué en vert. (réélaboration de C. Tronchetti, Bacco-Serra 1998).

À l'est de ce nouveau corps de fabrique, on découvre la salle I, de forme quadrangulaire, identifiée comme le frigidarium suite à la découverte de deux bassins opposés au sud et au nord : le premier en demi-cercle et l'autre rectangulaire. À l'extrémité sud-est de la salle I, on découvre une petite pièce, H, dont la fonction n'a toujours pas été élucidée aujourd'hui. Le frigidarium I présentait au sud un large seuil, qui fut fermé dès l'Antiquité (fig. 12) ; il donnait accès à une grande salle, R, qui constituait sans doute l'atrium du bâtiment thermal, dont il ne reste que les fondations reliées du point de vue structural au pavage du forum situé à l'arrière.

Fig. 12 - L'entrée du frigidarium fermée à la fin de l'Antiquité (photo Unicity S.p.A.).

En se déplaçant vers l'ouest, on découvre la salle L, identifiée comme le tepidarium grâce à la présence de l'interstice mural à travers lequel circulait l'air chaud entre le frigidarium et les deux calidaria adjacents communicants : N et O. Le premier est plus vaste et équipé d'une cuvette rectangulaire ; le second, aux dimensions plus modestes, est construit contre le mur en opus quadratum des Thermes I. Immédiatement au nord de la salle L, adjacente à la salle O, on découvre la petite pièce M, où un escalier tardif et modeste met en communication les deux Thermes. Malheureusement, il est impossible d'identifier toutes les transformations subies par ce local avant la réalisation de l'échelle, mais un indice est fourni par les vestiges d'un praefurnium. Le problème de la circulation entre les Thermes I et les Thermes II au cours de l'apogée de la structure en pleine époque impériale  et du bâtiment thermal complexe n'a donc pas été résolu.

Plus à l'ouest, les Thermes II se terminent par deux petites pièces, P et Q, identifiées comme des fourneaux pour le chauffage des pièces.

Immédiatement au sud des Thermes, une grande place dallée (fig. 13-14), traversée par des canalisations d'eau, présente au sud un escalier mal conservé qui mène au village moderne, conservant toutefois dans la partie supérieure les vestiges des citernes et des réservoirs d'eau. On a imaginé que cette place constituait le forum de la petite ville, et qu'un temple se situait dans le quartier haut mais cette hypothèse n'a été confirmée par aucune preuve.

Fig. 13 –Le complexe des Thermes, de la place et des bâtiments adjacents  (Bacco-Serra 1998).

 

Fig. 14 -L'escalier donnant sur la place (photo Unicity S.p.A.).

À l'est de cette zone, on découvre un curieux bâtiment en L, avec deux couloirs donnant sur un grand espace en plein air adjacent à l'atrium des Thermes II. De nombreuses petites pièces, qui n'ont pas encore révélé tous leurs secrets, s'ouvrent sur ces couloirs. Les quelques séances de fouilles réalisées ont indiqué un bon niveau de conservation de ces locaux qui dans un cas au moins présentent des murs décorés de fresques avec des motifs datant du IIIe siècle de notre ère. (fig. 15).
 

 

Fig. 15 - Fresques murales dans une pièce du bâtiment en L (photo Unicity S.p.A.).

La fonction de ce bâtiment dont l'articulation et l'extension complètes sont encore inconnues, n'est pas claire : il pourrait s'agir d'un macellum, un marché, ou d'un hospitium, une sorte d'hôtel où logeaient les habitués des Thermes.
 

Bibliografia

  • ANGIOLILLO S., Mosaici antichi in Italia, Sardinia, Roma, 1981, pp. 155-56.
  • BACCO G.-SERRA P.B., Forum Traiani: il complesso termale e l’indagine archeologica di scavo, in L’Africa Romana XII, Atti del Convegno di Studio 1996, pp. 1213-1255.
  • SOTGIU G., Iscrizioni latine della Sardegna I, Padova 1961, nn. 186-206.
  • SOTGIU G., Arula dedicata ad Esculapio da un L.Cornelius Sylla (Fordongianus, Forum Traiani), in AA.VV., Studi in onore di Giovanni Lilliu per il suo settantesimo compleanno, Cagliari 1985, pp. 117-124.
  • SPANO G., Descrizione di Forum Trajani, BAS, VI, 1860, pp. 161-170.
  • TARAMELLI A., Fordongianus. Antiche terme di Forum Trajani, NS, 1903, pp. 469-492.
  • ZUCCA R., Fordongianus, Sassari 1986.
  • ZUCCA R., Le iscrizioni latine del Martyrium di Luxurius: (Forum Traiani, Sardinia), Oristano 1988.
  • ZUCCA R., Civitas Forotraianensis, in A. Mastino (ed.), Storia della Sardegna antica, Sassari 2005, pp. 295-301.
  • ZUCCA R., Forum Trajani e la Sardinia romana, s.l. 2008.

Crédits

Coordination scientifique
dr. Carlo Tronchetti

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